Le contingent de Basildon qui enflammait le Palais Omnisports de Paris-Bercy en 1985 a fait son chemin (de croix) et traversé mille épreuves pour conquérir le statut qui est le sien, celui d'un groupe majeur et influent sur tout un pan de la scène rock et electro. Si les grands se reconnaissent aux traces qu'ils laissent sur leurs contemporains, alors Depeche Mode est de ceux là avec un titre emblématique comme l'est « Personal Jesus », repris à la fois par - remarquable grand écart -, Johnny Cash et Nine Inch Nails.
Être l'auteur de tant de classiques et se renouveler sans se répéter a de quoi donner les foies à Martin Gore, Dave Gahan et Andy Fletcher, revenus de toutes les péripéties qui soudent un bataillon. Celui qui a repris le « John The Revelator » de John Lee Hooker retourne sur le terrain du « blues électronique » qui est devenu sa marque de fabrique et entend bien dépasser le terne Sounds Of The Universe par une succession de nouveaux étendards dont font d'emblée partie « Angel » et « Heaven », après un « Welcome To My World » introductif débarassé des « démons » et des « anti-dépresseurs » qui régentent la vie du trio depuis si longtemps. Les accords décharnés de « Slow » en sont le meilleur exemple.
De la lutte des classes à la recherche de spiritualité, il y a un monde que Depeche Mode a parcouru sans jamais paraître ridicule. Les marques d'aspiration à la sérénité sont légion dans un album qui marie avec excellence guitares et machines dans un savant magma d'électricité déployé par le sorcier Ben Hillier. Un parcours en treize étapes semé de mystères (« Secret To The End ») et de doutes (le magnifique « Broken », son double « Alone »), obsédé par la recherche d'un absolu qu'il atteint par endroits (« Should Be Higher »), avant de finir sur un « Goodbye » porteur d'interrogations. Encore loin d'avoir fait le tour de ses sujets de préoccupation, l'entité à trois têtes révèle de nouvelles facettes de son univers à travers le squelettique et expérimental « My Little Universe », le puissant « Soft Touch/Raw Nerve » ou le blues pénétrant de « Goodbye ». Ces nouveaux stigmates que dévoile DM à travers une palette riche et épineuse en forment l'une de ses oeuvres-maîtresses.
© Loïc Picaud / Music-Story