S’il est issu de ce qu’on pourrait considérer comme la seconde vague des groupes de stoner, en suivant la route tracée par Kyuss, Monster Magnet, Fu Manchu et tant d’autres, Greenleaf fait déjà figure de vétéran. La Suède est depuis longtemps un véritable vivier pour ce courant dont les racines sont pourtant majoritairement ancrées dans le désert californien. Le pays scandinave n’a-t-il pas donné naissance à Spiritual Beggars ou Dozer, dont le guitariste Tommi Holappa a tout simplement créé Greenleaf en 1999 ? Un vétéran donc, dont le huitième album vient étoffer une discographie de plus en plus tournée vers des sonorités blues et rock moins sludge et boueuses qu’à ses débuts. Touché par l’isolement que chacun subit à divers degrés provoqué par la pandémie qui a frappé le monde en 2020, le groupe livre un album aux contours mélancoliques et aux lignes de chant plus mélodiques que jamais. Le ton est donné d’entrée avec le superbe single Tides. Greenleaf a souvent été associé à Kyuss ou aux Queens of the Stone Age à cause de son recours à un chant plus doux et plus mesuré que chez d’autres groupes ayant fait le choix d’utiliser des voix plus graves et agressives. Echoes From a Mass s’inscrit dans cette tradition de disques sur lesquels le jeu de batterie envoie le pâté, mais se retrouve mixé plus en arrière avec une bonne dose de reverb pour ne pas écraser les guitares, blindées de fuzz (la basse est elle aussi saturée) mais jamais trop poussées par une compression moderne, histoire de conserver une vraie respiration et une certaine saveur vintage. Voilà pourquoi cet album tient autant du stoner rock, voire du desert rock, que du classic hard rock (le solo de Bury My Son). Une filiation qui remonte jusqu’à des groupes comme Black Sabbath, dont l’ombre semble majestueusement planer sur le magnifique Wings of Gold de plus de six minutes. S’il est difficile de surprendre au sein de ce courant très codifié, il l’est tout autant de séduire. C’est pourtant ce qu’Echoes From a Mass réussit à faire grâce à une parfaite maîtrise des basiques. Certes, la recette évolue peu (guitares sales mais mélodiques, son musclé avec un petit goût de seventies qui rassure, utilisation de reverbs ça-et-là pour un petit côté psychédélique assumé…), mais l’émotion palpable à tout instant et relayée par un chant parfois au bord du décrochage ou de la fausse note rend l’ensemble profondément humain voire fragile. C’est aussi ce qui fait les grands moments en musique. Assumer ses choix et ses faiblesses sans chercher la perfection à tout va, pour conserver son authenticité. Greenleaf l’a parfaitement intégré. Grand bien lui en a pris. © Chief Brody/Qobuz