Le producteur Rick Rubin avait offert aux ultimes enregistrements de Johnny Cash une bouleversante dimension crépusculaire, et le parallèle tracé dans sa collaboration avec Neil Diamond, en raccourci hâtif, a satisfait les paresseux.
Sauf que le créateur de « Sweet Caroline » n’a jamais bénéficié de l’aura de l’Homme en Noir (plutôt artiste du juste milieu, que rebelle de la marge, en fait), que cet album reste bien davantage une session dirigée par Diamond que produite par Rubin, et que le chanteur ne bénéficie pas – si l’on peut dire – d’une situation pathologique telle, qu’elle nimbe la moindre de ses productions d’une atmosphère particulièrement morbide. Enfin, Home Before Dark (titre intelligent, cliché de pochette remarquable, signé d’un certain Jesse Diamond, en rejeton talentueux), est un disque de compositions originales, écrites par un homme de soixante-sept ans, certes pas rebelle sans cause, mais pas pour autant à la créativité liquéfiée.
Surtout (et c’est ce qui rend a priori l’entreprise sympathique), cet album est celui de tous les dangers : Diamond est là, devant nous, juché sur un tabouret haut, et protégé par sa seule guitare. Á ses côtés, quelques musiciens intelligents et sensibles, mais pas courtisans, dont deux Heartbreakers de Tom Petty, le guitariste Mike Campbell, et le claviériste Benmont Tench. Et une pincée d’autres, mais pas de batterie. Diamond se tient là, donc, avec quelques-unes de ses mélodies, des histoires d’amertume et de doute et d’angoisse, sa capacité à composer de grandes chansons (après toutes ces années…), et son talent à les interpréter sur un ton juste (et on ne parle pas de tonalité).
Et c’est donc au crépuscule de sa carrière que l’Américain enregistre (enfin ?) un album dégagé de la moindre étude de marché, aussi peu sensible que faire se peut au goût du jour. Et on peut raisonnablement considérer le résultat – du country rock parfois charmant, parfois dramatique - comme un grand disque. L’édition de luxe laisse apparaître un bonus en DVD, incluant une version inédite de « The Boxer » de Simon and Garfunkel. Et toute peine méritant salaire, c’est sans la moindre ironie qu’on précise que Home Before Dark atteindra – une innovation dans la carrière de Diamond - la première place des charts américains (et connaîtra un sort identique de l’autre côté de l’Atlantique, plus particulièrement en Grande-Bretagne), et que le single « Pretty Amazing Grace » s’autorisera même un parcours tout à fait digne dans sa catégorie (30ème position).
© Christian Larrède / Music-Story