C’est l’album le plus connu et vendu de Tears For Fears. Paru en 1985 et deuxième opus du groupe, Songs From The Big Chair doit son nom à une série américaine diffusée à la fin des années 70, « Sybil », dont le sujet est le parcours d’une jeune femme souffrant de multiples troubles de la personnalité, et qui se sent rassuré en s’asseyant sur une grande chaise (« big chair » en anglais) lorsqu’elle est en séance d’analyse. Cette grande chaise remplit la fonction du divan. Après leur premier album The Hurting, les références à la psychanalyse et aux difficultés de vivre restent présentes. « Shout », le tube le plus célèbre du groupe , est le premier titre de Songs From The Big Chair. Le ton est donné : « Shout » signifie « Cries ! », le fameux cri primal que préconisait Arthur Janov dont les idées en matière de traitement psychanalytique ont servi d’inspiration au groupe pour se donner un nom.
« The Working hour » débute sur une longue introduction au saxophone doublée de nappes et d’arpèges au synthétiseur, comme si les deux instruments dialoguaient librement avant l’arrivée d’une batterie électronique imposant un tempo régulier. Les effets sonores des synthétiseurs et du piano électrique se marient parfaitement au son de la guitare électrique et du saxophone. Il faut attendre 2 minutes pour entendre la voix de Roland Orzabal, signe d’un changement de format dans la conception d’un morceau pour le groupe. La fin laisse à nouveau la place au saxophone qui se lance dans une improvisation habituellement rencontrée durant le pont d’une chanson ou dans les pratiques musicales des jazzmen.
« Everybody wants to rule the world » est le deuxième hit single tiré de l’album. C’est certainement le titre le plus dansant de Tears For Fears. le plus conventionnel aussi, collant aux besoins du marché de l’époque. Le thème abordé n’a pourtant rien de léger, puisque le morceau évoque le pouvoir politique et ses dérives, avec en toile de fond une guerre froide finissante et Ronald Reagan président décrié des Etats-Unis
« Mothers talk » reprend le sujet d’une enfance difficile, thème de prédilection pour Orzabal et Smith. La musique leur sert véritablement de thérapie pour évacuer leurs souffrance familiale. L’intérêt musical de cette composition réside dans sa fin inattendue, rupture totale avec le reste de la pièce : une sorte de malstrom sonore et vocal prend place après un break, comme pour créer une impression de trouble divagatoire chez l’auditeur, en écho aux troubles psychologiques vécus par les membres fondateurs du groupe.
A cet endroit de l’album, Tears For Fears va opter pour des choix esthétiques résolument tournés vers l’expérimentation, en laissant de côtés les impératifs liés aux nécessités de faire des tubes à la chaîne. D’abord, tous les titres restants s’enchaînent sans aucune interruption. Ils correspondent à la face B de la version vinil. « I believe » ouvre la série. Cette ballade aux allures jazzy est ponctuée de points de suspension sonore (saxophone, puis percussion, puis à nouveau saxophone) avant de sombrer dans «Broken » après une nappe de synthétiseur au climat étrange.
Autre innovation, « Broken » englobe littéralement « Head over heels ». Leur point de liaison est la trame harmonique et un thème mélodique exposé dans « Broken » et repris en ouverture de « Head over heels » ainsi qu’à la fin en présence d’un chœur. Leur différence réside dans un changement de tempo qui assure leur transition. A signaler que « Broken » correspond à une version Live. Le mixage et la prise de son atteignant une qualité qui dénote un réel souci d’accorder une attention particulière à la production.
Enfin, le titre « Listen » conclut l’album, s’enchaînant après « Broken ». C‘est une ballade qui mélange plusieurs influences, dont celle des chants lyriques (voix échantillonnées) et des chants et rythmes africains. Les moments de ponctuations sont nombreux dans la première moitié de la composition, contrairement à la fin qui amplifie une émotion auditive jusqu’au couperet final mis en effet de réverbération.
Album de la consécration, Songs From The Big Chair est aussi pour Tears For Fears un moment-clé qui leur a permis d’approfondir et définir leur style musical, de catalyser des souffrances personnelles pour mieux les dépasser, et de bénéficier d’une production hors-pair en terme de qualité sonore pour l’époque. S’il n’y avait qu’un album de Tears For Fears à retenir, ce serait celui-ci.
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