La fin des années 80 constitue en termes de thrash metal un réservoir inépuisable d'inspiration. Le revival auquel nous assistons depuis quinze ans environ ne cesse de générer des émules avec plus ou moins de bonheur : les plus doués d'entre eux parviennent à recréer le frisson de l'époque en s'inspirant de formations emblématiques et en y ajoutant une touche personnelle, tandis que les plus malhabiles sont de simples photocopieurs au toner souvent fatigué, quand il n'y a pas en plus une feuille qui coince dans le chargeur. Nous jetterons un voile pudique sur les reformations parfois pathétiques des seconds et troisièmes couteaux issus des années glorieuses, ces fantômes du passé qui tentent à nouveau leur chance aujourd'hui sans avoir davantage de succès. Quand ça veut pas, ça veut pas. A contrario, Enforced – grand bien lui fasse – est un élève doué. Après un premier album paru en 2019 aux fortes réminiscences crossover, ce Kill Grid de 2021 s'avère beaucoup plus thrash et ne fait guère mystère des influences du quintette américain. The Doctrine et UXO déboulent dans les enceintes avec la virulence d'un Nuclear Assault qui aurait invité Max Cavalera (jeune) derrière le micro. Mais ce n'est que l'arbre qui cache la forêt : Beneath Me, Blood Ribbon, et surtout Curtain Fire multiplient les clins d'œil (parfois très appuyés) en direction du Slayer de Reign in Blood, et Malignance est digne du Sepultura de Beneath the Remains. Les autres titres sont à l'avenant et déclinent multiples variations autour d'une partition déjà bien connue. On l'aura compris : Enforced ne cherche en aucune façon à réinventer la roue, mais il a le mérite de la faire rouler vite et bien droit. À l'instar d'un Red Death ou d'un Power Trip, l'efficacité est son unique postulat et le contrat est pleinement rempli. Du reste, la formation prouve qu'elle a su évoluer depuis son premier essai, ce qui augure d'une marge de manœuvre confortable pour les sorties à venir. Les chances de voir le groupe se mettre au thrash progressif sont évidemment bien minces, mais souvenez-vous des bonds de géant accomplis par Metallica entre Kill 'em All et Master of Puppets, par Slayer entre Show no Mercy et Reign in Blood, ou par Anthrax entre Fistful of Metal et Among the Living. Les exemples sont nombreux et si Enforced perdure dans cette dynamique, nul doute que son troisième album confirmera le sérieux espoir que nous plaçons en lui aujourd'hui. To be continued... © Charlélie Arnaud/Qobuz