Produit par ceux à qui l’on doit Stranger Things, la série à succès de Netflix, Kin : le commencement est un road-movie postmoderne qui mêle polar psychédélique, clins d’œil à la SF de James Cameron (en particulier à Terminator) et cinéma social. Le film raconte une cavale à travers les Etats-Unis qui fait suite à la découverte d’une arme futuriste par un adolescent de Detroit. Projet atypique oblige, les réalisateurs Josh et Jonathan Baker ne font pas appel à un « professionnel » de la BO, mais au groupe de postrock Mogwai, qui signe ici sa première musique pour un long-métrage de fiction. La partition de Kin est à l’image du film : hors-norme et insaisissable. Après un thème principal lent, étrange et délicat (Eli’s Theme), la musique devient de plus en plus dramatique (Scrap), voire musclée (le sublime Flee).
Emmenée par un piano accompagné de sons électroniques, d’une batterie et de guitares saturées, la partition du groupe écossais joue la carte d’une musique planante mettant en lumière la nostalgie sous-jacente (celle notamment d’un cinéma révolu) que les frères Baker distillent tout le long du film. Parmi les autres moments de bravoure de l’album, citons Donuts, petit chef-d’œuvre de plus de six minutes dans lequel les membres de Mogwai déploient tout leur talent dans l’art du crescendo atmosphérique. L’album (et le film) se termine avec We’re Not Done, une chanson dans laquelle il est question de « combattre le passé » (« Fight against the past »), ce qui éclaire peut-être sous un nouveau jour l’obsession des réalisateurs pour un cinéma rétro. Accompagnée d’une fantasmagorie résolument sombre, cette sacralisation de l’esthétique 80's n’est-elle pas au fond une forme d’exorcisme dont ils (et beaucoup d’autres cinéastes de leur génération) tentent de se libérer ? © Nicolas Magenham/Qobuz