Quelques notes piquantes et minimalistes au piano suffisent au compositeur Jeong Jae-il pour illustrer la vie misérable de la famille de Ki-taek, entassée dans un appartement insalubre en sous-sol (Opening). Ainsi débute Parasite du Coréen Bong Joon-ho, le film événement de 2019, multirécompensé dans le monde entier (Palme d’or à Cannes, Oscar du meilleur film à Hollywood…). Après cette ouverture aux faux airs d’Affreux, sales et méchants, le fils Ki-woo réussit à se faire recommander par un ami pour donner des cours particuliers d’anglais chez la richissime famille Park. C'est alors que la tragicomédie familiale et sociale vire lentement au thriller, et la partition de Jeong Jae-il jongle entre les couleurs énigmatiques (contrebasses pizz et cloches dans Plum Juice) et les passages nettement plus frénétiques et cauchemardesques (The Hellgate, Busy to Survive, Blood and Sword). Dans ces passages, sa démarche consiste à embrasser divers types de lutheries – électroniques, traditionnelles ou classiques.
Mais le point de vue de Jeong Jae-il n’est pas qu’atmosphérique. Le compositeur s’attaque également au sujet principal de Parasite, à savoir la confrontation quasiment marxiste entre deux classes sociales. Il utilise avec ironie certains marqueurs musicaux de la classe aisée dans quelques scènes essentielles. D’une part, Camping et son chœur d’enfants très propret, accompagné d’une scie musicale traduisant la naïveté de la famille Park (on retrouve cette idée dans It Is Sunday Morning). Et d’autre part, The Belt of Faith, un morceau d’inspiration baroque qui accompagne une longue scène virtuose dans laquelle la brillante mais cruelle manipulation de la famille des bas-fonds de Seoul est dépeinte. À noter que la BO contient la chanson du générique de fin Soju One Glass, dont les paroles ont été écrites par Bong Joon-ho lui-même. © Nicolas Magenham/Qobuz