Publié en novembre 1976, le onzième album studio des frères Jackson est un tournant. Pour la première fois, le groupe qui est en légère perte de vitesse n’est plus hébergé par Motown auquel il était viscéralement rattaché mais par CBS et sa branche Epic. Même si quatre ans plus tôt Michael a entamé sa carrière solo sur le label de Berry Gordy avec Got To Be There, le bras de fer entre Motown et la famille Jackson, tant financier qu’artistique, a débouché sur un tonitruant divorce. Seul Jermaine (qui a épousé la fille du boss de Motown et est ici remplacé par Randy Jackson, le petit dernier de la fratrie) est resté chez Berry Gordy qui a en plus pu garder la marque Jackson 5. D’où cette première de 1976 sous le nom de The Jacksons. Pour marquer le coup de tous ces changements, la production a été confiée à la paire Kenny Gamble et Leon Huff, les cerveaux de la soul de Philadelphie, ce genre précurseur du disco qui fait danser l’Amérique du début des seventies en la plongeant dans la soie et le champagne. Sauf que les frères Jackson ne sont plus des bleus voire de simples petits soldats obéissants, ils veulent imposer de plus en plus leurs choix artistiques. Ce qui donne un disque assez hétérogène, évidemment marqué par la soul et le groove, mais dont on peine à trouver le véritable fil conducteur, entre les marqueurs propres aux Jacksons et les velléités hédonistes de Gamble et Huff . Ces derniers écrivent d’ailleurs la moitié des chansons, et Michael inaugure en signant son tout premier titre, Blues Away. À 18 ans, sa voix possède enfin une assurance inédite et coupe le pont avec son personnage de Little Michael. Aux côtés des Jacksons, MFSB, le groupe des Sigma Sound Studios piloté par Gamble et Huff, déroule une partition léchée avec ce qu’il faut de cordes (quand nécessaire) et rythmique ultra sensuelle. C’est un peu le slalom, pas désagréable du tout, entre cette soul aux frontières de la pop (Enjoy Yourself) et un rhythm’n’blues lorgnant vers le disco (Show You The Way To Go). L’album décrochera certes l’or dans les charts mais ne préfigure pas encore le succès mondial de Michael, trois ans plus tard, en solo, avec Off The Wall… © Marc Zisman/Qobuz