C’est au cours d’une invitation à se produire en Corée du Nord en 2015 que le groupe de musique industrielle slovène Laibach a conçu The Sound of the Music. Il est toujours difficile de comprendre les orientations politiques de ces provocateurs ou de prédire leur prochain terrain de jeu tant ils cumulent les contradictions. En revanche, voilà plus de trente ans que les membres cultivent cet univers kitsch et leur fétichisme du pouvoir et des esthétiques militaires. Enregistré et produit en Slovénie à Ljubljana ainsi qu’en Corée du Nord à Pyongyang, ce dixième album ne manque pas d’humour et figure dans le top de leur discographie. C’est que Laibach s’attaque à un gros morceau : la bande originale du film culte de 1965, La Mélodie du bonheur. Décidément rien ne fait peur à ces avant-gardistes, ces « art performers » qui semblent pouvoir tout adapter à leur sauce. Inspiration communiste et fasciste, oscillement entre légèreté et voix profondément diabolique, Laibach surprend dès l’ouverture. The Sound of the Music débute de manière plutôt classique à base d’envolées lyriques avant d’être contrasté radicalement par un chant grave et sombre auquel se greffent des sonorités asiatiques. Un Do-Re-Mi pesant et intense, un My Favorite Things totalement décalé associant des chœurs d’enfants à une voix cassée de metalleux, sans oublier le métissage de Maria en Maria/Korea. Inspiré par leur séjour coréen, ils vont même jusqu’à interpréter un hymne non officiel en coréen, Arirang, avant de terminer ce disque par la diffusion du discours de M. Ryu, du comité des relations culturelles nord-coréennes, qualifiant les membres de « perturbateurs pour le système économique de la Corée du Nord ». Bien évidemment Laibach a pris soin d’enregistrer leurs rires sur l’écoute de ce message… Délicieusement insolent. © Anna Coluthe/Qobuz