C’est un fait : les années 80 furent la plus triste décennie pour le rock. Mais émergent des groupes qui vont révolutionner le style. En 1991, sortent le Nevermind de Nirvana, le Blood Sugar Sex Magic des Red Hot Chili Peppers, puis en 1992, c’est «Killing in the name» de Rage against the machine qui envahit les ondes. Dans ce contexte, Noir Désir revient avec Tostaky après le rageur Du ciment sous les plaines et malgré une pause qui faillit écourter la carrière des Bordelais. Pause qui a pourtant porté ses fruits puisque chacun des membres voit dans le groupe Fugazi une révélation. C’est pourquoi ils rallient le producteur des américains, Ted Niceley, à leur cause. Aux manettes du nouvel opus enregistré en live, il laissera exploser la hargne de Noir Désir sans corrompre les mélodies et les paroles obscures chères au groupe. Tostaky, contraction de «tout est là», annonce la couleur. Ce sera en noir et blanc et le dos tourné… Les guitares sont donc ici à l’honneur avec les déferlantes de «Here it comes slowly» et «Tostaky», les riffs hypnotiques de «One trip one noise», «7 minutes» et «It spurts» puis avec l’apocalyptique refrain de «Lolita nie en bloc». Noir Désir laisse aussi à l’auditeur quelques instants de répit («Marlène»). Mais une guitare en embuscade ne peut s’empêcher de déchirer la plus paisible ballade («Oublié»). La voix a déjà fait ses preuves. Elle est ici plus brute pour servir des textes tout aussi dépouillés. Bertrand Cantat use et abuse d’images parfois énigmatiques («Ici Paris»), parfois tendancieuses («Alice»). Tostaky, c’est aussi le début de l’engagement politique de Noir Désir avec «Here it comes slowly» qui fait référence à la montée en puissance du front national. Et dans «Ici Paris», on entrevoit les premières critiques contre une société mercantile et individualiste. L’épisode «Aux sombres héros de l’amer», succès mal assumé par le groupe, ne se renouvelle pas. Cette fois, Noir Désir n’a pas à rougir de son tube «Tostaky» qui reflète l’album et a fortiori l’humeur du moment des Bordelais. L’événement renforce encore l’intégrité du groupe et explique le message qu’il fera passer aux Victoires de la Musique en 1997 : «Il n’est pas nécessaire de perdre son identité et son âme pour se faire reconnaître».
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