Nouveau chapitre des Bootleg Series de Bob Dylan, Travelin’ Thru, 1967-1969 s’appesantit sur cette période charnière de sa carrière, consécutive à son fameux accident de moto qui alimentera les rumeurs les plus folles (mort ? Kidnappé par la CIA ?). L’artiste ne réapparaît finalement que deux ans après l’incident avec un album sous forme de contrepied, John Wesley Harding, acoustique et marqué par l’histoire des Etats-Unis. Il sera suivi de Nashville Skyline, qui remporte un franc succès en raison de la présence d’une autre personnalité musicale de haut rang, Johnny Cash, au contraire de son successeur, Self Portrait, qui déconcertera les fans par ses ballades jugées mièvres et son aspect hétéroclite.
C’est donc une période en dents de scie marquée par l’incessant jeu de chat et de la souris entre le public et l’icône folk qui refuse son statut, sèche son rendez-vous avec l’Histoire en évitant Woodstock, s’embourgeoise parfois musicalement tout en parvenant à se renouveler grâce à quelques fulgurances. Chutes de studio de ces trois enregistrements et prises alternatives nourrissent donc ce somptueux coffret. Sur le disque 1, l’auditeur a rendez-vous avec le « Zim » dans le studio A de Columbia, avec les prises alternatives de compositions issues des deux premiers albums précités (« Drifter’s Escape », « I Dreamed I Saw St. Augustine », « All Along the Watchtower », « John Wesley Harding » ou encore « I Pity the Poor Immigrant » de John Wesley Harding, et « Lay, Lady, Lay », « One More Night », « Peggy Day » ou encore « Country Pie » de Nashville Skyline). Il est agrémenté d’un inédit, « Western Road ».
On retiendra en particulier « Lay, Lady, Lay », dans une version au plus près de l’os ou l’énergie brute de « Country Pie », qui transpire de virtuosité. Mention spéciale également pour All Along the Watchtower, plus nerveuse qu’à l’accoutumée, que même un harmonica strident ne parvient pas à gâcher. Les disques 2 et 3, eux, font la part belle aux collaborations de Bob Dylan avec Johnny Cash, comme l’essentiel « Girl From North Country » tirée d’une répétition et pourtant sublimée par la voix enveloppante de ce dernier qui la pose comme s’il s’agissait d’une prise définitive, ou « I Stil Miss Someone », dans une version alternative délectable. On retrouve également une version renversante de « Ring of Fire », propulsée par un piano très joueur. Les défauts sont exposés sans fard et c’est ce qui fait tout le charme de l’initiative, cette immersion temporelle au centre de la pièce, au milieu des musiciens règlant les deniers détails avant de figer ces classiques sur bande.
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