Cet album rassemble trois œuvres pour piano d'Hans Erich Apostel (1901-1972), toutes inspirées par des dessins et peintures de Kokoschka et de Kubin. Apostel avait été relégué au rang d’artiste dégénéré par le régime nazi, et resta peu joué après la Deuxième Guerre. Et pourtant, il représente un maillon fondamental dans la mouvance expressionniste, d’autant qu’il travailla avec Schönberg et surtout Berg tout en n’épousant pas nécessairement le dodécaphonisme. En 1928, il se saisissait d’une dizaine de dessins de Kokoschka et les transformait en musique, en l’occurrence sous forme de Variations sur un thème original. Le compositeur les tenait en suffisante estime pour les considérer comme son opus 1, détruisant toutes ses partitions antérieures. Entre tonalité, atonalisme, quelques touches de dodécaphonisme, fausses allures naïves, caricature, Apostel brosse un monde décadent de l’entre-deux-guerres, tour à tour râpeux puis attendri et lyrique. L’album se poursuit avec les Kubiniana, sans doute son œuvre la plus connue. Composée en 1945, cette partition reflète l’admiration que le compositeur portait au peintre et poète Alfred Kubin. Une certaine cocasserie très tendre qui pourrait rappeler Prokofiev régit cette musique de l’époque tardive d’Apostel. Le même esprit se retrouve de manière concentrée dans les 60 Schemen nach Zeichnungen von Kubin, autrement dit « 60 esquisses d’après des dessins de Kubin », des piécettes de quelques secondes de durée, le temps d’un sourire ou d’une grimace. Voilà une musique intrigante, inclassable, rare, que l’on découvre avec un brin de fascination. © SM/Qobuz