Le clavecin que Rinaldo Alessandrini choisit pour ce nouveau récital Bach enregistré au Parco della Musica de Rome en juin 2019, à savoir un Kees Bom de 1984 d’après Dulcken, surprend par son ampleur sonore, et la prise de son nous plonge directement au cœur de l’instrument. Ici, le claveciniste italien (directeur musical du Concerto Italiano) compose un programme varié, qui met en lumière la grande variété de l’œuvre de clavier du Cantor, des pièces-miniatures à vocation « pédagogique » (Préludes BWV 931, 934, 940, Inventions et Sinfonias BWV 773, 775, 784, 788, 790, 799) aux grandes architectures inégalées (Fantaisie et Fugue en la mineur BWV 904), en passant par six diptyques extraits de l’Ancien Testament (Le Clavier bien tempéré) ou de grandes pages à caractère concertant comme la Fantaisie BWV 906 ou la Sonate BWV 964, elle-même transcription pour clavier de la Sonate No. 2 en la mineur pour violon seul.
Dans ces dernières œuvres d’inspiration fortement italienne, Rinaldo Alessandrini est d’une conduite exemplaire, il respire large, et la polyphonie rayonne tout particulièrement. Il est aussi un professeur attentif, et attachant, dans les petits préludes, connus de tout apprenti même si les plus célèbres (comme les BWV 927 ou 928) sont ici écartés. Le plus intéressant peut-être ? La confrontation des deux diptyques de même tonalité des deux Livres du Clavier bien tempéré ; Alessandrini joue les deux Préludes et Fugues en la mineur (BWV 865, 889), en ré mineur (BWV 851, 875) et en ut mineur (BWV 847, 871), et montre la variété des affects relatifs à une tonalité tout comme la diversité des styles employés par le compositeur quand il les emploie : une démarche finalement peu courante chez les interprètes, et les influences italiennes sur J. S. Bach ont sans doute guidé, par souci de cohérence, la sélection du claveciniste (l'extraordinaire BWV 875, ou BWV 851).
Un bel album, et un voyage magnifiquement composé. © Pierre-Yves Lascar/Qobuz