Les « opéras de chambre » occupent une place singulière à la fin du XVIIe siècle français, en marge de la grande « tragédie en musique » cultivée par Lully – une forme sur laquelle le Florentin, cupide, inflexible et jaloux, imposait une exorbitante exclusivité : il était fait défense à toute personne « de faire chanter aucune pièce entière [autrement dit : de qui que ce soit, Lully ou même sa propre musique !] en France, soit en vers françois ou autres langues, sans la permission par écrit dudit sieur Lully, à peine de dix mille livres d'amende, et de confiscation des théâtres, machines, décorations, habits… », ou encore « aux troupes de ses comédiens françois et étrangers qui représentent dans Paris de se servir de musiciens au delà du nombre de six et de violons ou joueurs d’instruments au delà du nombre de douze ; et recevoir dans ce nombre aucun des musiciens et violons qui auront été arrêtés par ledit Lully ».
Ouf. On est ici en 1685, et Marie de Lorraine, dite Mademoiselle de Guise, mécène de Charpentier depuis de dix ans, lui commanda deux pièces célébrant les victoires de Louis XIV et la paix retrouvée, et destinées à l’ensemble privé d’une quinzaine de musiciens qu’elle protégeait. Charpentier chanta lui-même le rôle haut-contre de La Peinture dans Les Arts et celui de Forestan dans La Couronne de fleurs. Dans Les Arts Florissans, on assiste au triomphe des arts – musique, poésie, peinture et architecture – sur les armes. La Paix, « si longtemps désirée », clôt l’ouvrage en flattant le roi-soleil. La Couronne de fleurs, elle, est étroitement liée à la comédie-ballet Le Malade imaginaire, créée douze ans plus tôt : Charpentier adapte librement le prologue à la gloire de Louis XIV qui ouvrait la version originale du Malade imaginaire, pour les musiciens de Mademoiselle de Guise, et l’intitule La Couronne de fleurs. Après avoir chanté les vertus de la paix, l’œuvre se termine dans l'allégresse générale, saluant les joies printanières et surtout le règne de Louis, « maître du monde et du temps » – en toute simplicité ! L’Ensemble Marguerite Louise est un habitué des spectacles de Versailles, qui ont servi de cadre à cet enregistrement. © SM/Qobuz