C’est surtout pour ses nombreuses œuvres consacrées à son instrument, le violon, que Jean-Marie Leclair appartient à la mémoire collective des mélomanes de nos jours : une soixantaine de sonates à un ou deux violons, douze trios, douze concertos, le tout dans un langage éclatant qui lui a valu le surnom de « Vivaldi français ». Par contre, il n’écrivit qu’un seul opéra, le présent Scylla et Glaucus, créé en 1746 à l’Académie royale (l’ancêtre de l’Opéra de Paris) à une époque de gloire florissante de la royauté française. Hélas, le succès ne fut pas au rendez-vous : livret un peu incohérent sans doute, et surtout une richesse d’écriture qui ne pouvait que dérouter les amateurs de légèreté et d’italianismes mélodisants. Leclair, au contraire de tant de ses contemporains, déploie dans sa partition des trésors d’invention orchestrale : récitatifs accompagnés à l’orchestre – une grande nouveauté alors –, harmonie à quatre ou cinq voix y compris à l’orchestre, de sorte que les altos et les basses sont sollicités bien au-delà de l’habitude, effets harmoniques, mélodiques, contrapuntiques et rythmiques à foison, refus du « colla parte » qui double bêtement la ligne vocale d’une ligne instrumentale. L’auditeur l’aura compris, c’est là l’un des plus phénoménaux opéras de son temps, profondément théâtral, toujours moderne, inclassable, un véritable grand chef-d’œuvre d’un grand maître. © SM/Qobuz