Âgé de vingt-cinq ans, le pianiste autrichien Aaron Pilsan livre ici son deuxième projet en solo, après un récital Beethoven et Schubert prometteur, publié en 2014 sur le label naive classique. Il se plonge dans l’un des recueils incontournables du clavier de Johann Sebastian Bach, le Premier Livre du Clavier bien tempéré, ouvrage qui le poursuit depuis sa plus tendre enfance.
Son interprétation témoigne à tous égards d’une fréquentation assidue : polyphonies fluides, tempos bien sentis jusque dans les enchaînements naturels d’un diptyque à l’autre, articulations exemplaires qui témoignent d’une curiosité réelle pour les instruments de l’époque. Le Bach d’Aaron Pilsan célèbre avant tout le foisonnement polyphonique de cette musique et l’équilibre des structures. Il ne recherche ni à célébrer des affects typiquement baroques (liés aux tonalités par exemple), ni à déceler des pas de danse (souvent cachés dans les structures conceptuelles des fugues), et pas davantage à transposer stylistiquement ces pages souvent romantisées. Son clavier, peu coloriste et toujours phrasé, devient même un peu abstrait, sans être absolument « noir et blanc » non plus. Certains Préludes et Fugues, comme le ré majeur (BWV 850), le mi bémol majeur (BWV 852) ou encore le fa majeur (BWV 856) ou le si bémol majeur (BWV 866) profitent particulièrement bien du geste drastique du jeune Autrichien.
Ceux habitués aux incantations expressives d’un Samuel Feinberg (1951) ou d’un Heinrich Neuhaus seront troublés devant cette étrange version. © Pierre-Yves Lascar/Qobuz