L'art du trio est une seconde nature chez Jean-Paul Celea qui après l'avoir expérimenté avec son vieux complice François Couturier, l'a prolongé dans une nouvelle suite de collaborations en compagnie de Wolfgang Reisinger, partenaire devenu fétiche au fil des séances avec Dave Liebman et maintenant Émile Parisien. Passé de la musique dite contemporaine au jazz par la grande porte ouverte de l'InterContemporain, le contrebassiste au catogan a toujours fait rimer les mots rythme et liberté. Il est donc très naturel de le retrouver dans le répertoire du pionnier Ornette Coleman, célébré sur onze des douze pistes que compte Yes Ornette !
Faire chanter Ornette Coleman n'est pas une mince affaire. Le trio, qui s'est fait les doigts pendant toute une année, a pu goûter la difficulté de l'exercice et prendre plaisir à désapprendre pièce par pièce ces morceaux hirsutes que le temps n'a pas standardisé. Après un dernier rodage, les séances de La Buissonne où ont été fixées ces interprétations révèlent une vraie complicité entre les protagonistes de l'aventure, palpable sur « Sex Is for Woman » aux formes arrondies ou dans la mélancolie de « Lonely Woman », thème intrigant ici déshabillé avec délicatesse. Entre un saxophoniste soprano aux interventions justes et précises et un batteur volubile qui ouvre l'espace, la « walking bass » de Celea nage dans le bonheur sous les yeux du témoin Gérard de Haro à la console.
Le grand Coleman ne pouvait trouver meilleur guide que ce trio pour faire comprendre et aimer sa musique visitée dans des recoins inattendus de sa première et folle période. Au centre du projet, Jean-Paul Celea a rendu possible cette rencontre aussi intense que les thèmes qu'elle développe.
© Loïc Picaud / Music-Story